Inscrite à l’article 270 du Code civil, la prestation compensatoire a pour objectif de corriger, autant que possible, les déséquilibres financiers créés par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux. De nature forfaitaire, elle prend généralement la forme d’un capital dont le montant est déterminé par le juge. Toutefois, ce dernier peut refuser d’octroyer cette prestation si elle va à l’encontre de l’ordre public ou si l’équité l’exige. Le juge aux affaires familiales évalue ainsi une multitude de critères pour déterminer l’existence d’une disparité liée à la séparation.
Il est important de distinguer la prestation compensatoire de la pension alimentaire. La pension alimentaire, versée au titre de l’obligation de secours, n’est due que pendant la procédure de divorce, tandis que la prestation compensatoire est allouée à la fin du divorce.
La demande de prestation compensatoire
Depuis 1987, la Cour de cassation estime que la demande de prestation compensatoire doit être formulée pendant la procédure de divorce, bien que ses effets ne se produisent qu’à compter du prononcé officiel du divorce. La loi du 26 mai 2004 a généralisé ce principe, le rendant applicable à tous types de divorce. En cas de divorce par consentement mutuel, la prestation compensatoire prend une forme conventionnelle, laissant aux époux la liberté de fixer le montant et les modalités de versement dans une convention qu’ils soumettront à l’approbation du juge. Cependant, le juge peut refuser de l’homologuer si elle établit un déséquilibre injuste entre les époux.
La fixation de la prestation compensatoire
Lorsqu’aucun accord n’est trouvé entre les époux, il revient au juge de déterminer si le divorce crée une disparité dans leurs conditions de vie respectives, et le cas échéant, d’en mesurer l’ampleur. La prestation compensatoire est fixée en fonction des besoins de l’époux qui en bénéficie et des ressources de l’autre époux, en tenant compte de leur situation au moment du divorce et de son évolution future.
Pour évaluer cette disparité, le juge prend en compte divers critères, tels que :
- La durée du mariage
- L’âge et l’état de santé des époux
- Leur qualification et situation professionnelle
- Les sacrifices professionnels faits par l’un des époux pour élever les enfants ou favoriser la carrière de l’autre
- Le patrimoine estimé ou prévisible après la liquidation du régime matrimonial
- Leurs droits actuels et à venir, notamment en matière de retraite.
Le juge examine ainsi les revenus professionnels, fonciers, mobiliers, et les droits sociaux ou familiaux, mais exclut certaines ressources spécifiques comme les indemnités liées aux accidents de travail ou les sommes compensant un handicap, conformément à la loi du 11 février 2005.
Les conséquences de la rupture et la notion de fautes
Le juge ne se limite pas aux aspects financiers. Il s’intéresse également aux causes de la disparité et à la nature des activités menées par les époux durant le mariage. Par exemple, le choix d’un des époux de se consacrer à l’éducation des enfants, de soutenir la carrière de l’autre ou d’interrompre sa propre progression professionnelle peut être pris en compte.
Dans certaines circonstances, le juge peut refuser d’accorder la prestation compensatoire si l’un des époux est reconnu fautif dans la rupture du mariage. En effet, le juge tient compte des comportements ayant causé la séparation. Ainsi, dans une affaire jugée à Toulouse le 9 octobre 2007, la cour a refusé la prestation compensatoire à une épouse qui avait quitté brutalement son mari et sa fille pour vivre avec un autre homme.
Le règlement de la prestation compensatoire
La prestation compensatoire étant forfaitaire, elle peut être versée de différentes manières :
- Sous forme de capital immédiat (article 274 du Code civil), par le versement d’une somme d’argent ou l’attribution d’un bien.
- Sous forme de capital échelonné (article 275 du Code civil), avec des paiements échelonnés sur une période maximale de 8 ans si l’époux débiteur n’est pas en mesure de verser le capital d’un seul coup.
- Sous forme de rente (article 276 du Code civil), à titre exceptionnel, lorsque la situation du bénéficiaire ne permet pas de subvenir à ses besoins autrement.
Une justice personnalisée
La prestation compensatoire repose sur un principe fondamental : celui de la justice personnalisée. Chaque situation est unique, et la fixation de cette indemnité s’adapte aux spécificités de chaque divorce. Le juge s’efforce de trouver un équilibre juste entre les ressources et les charges des époux, tout en prenant en considération les aspects humains de la rupture.
Ce mécanisme, loin d’être une simple compensation financière, vise à offrir aux époux un départ équilibré après une séparation, prenant en compte non seulement leur situation présente, mais aussi leur avenir respectif.